Combattre la glottophobie

Qu’est ce que la glottophobie ?

La notion de glottophobie a été théorisée par le sociolinguistique Philippe Blanchet qui lui-même aurait été victime de discrimination liée à son accent marseillais.

Mathieu Avanzi, chargé de recherche à l’Université Catholique de Louvain en Belgique,  étudie les variations du français dans les différents territoires et ses régions.

La sociolinguistique observe que ce qui apparaît dans certaines cultures comme une diversité, est perçue dans la culture francophone comme une distinction ; d’où cette tendance à dévaloriser les autres langues ou les accents et à mépriser les lacunes dans la maîtrise de la langue. C’est cela, la glottophobie.

Les discriminations fondées sur la langue sont largement ignorées alors qu’elles affectent des millions de personnes.
Il nous est enseigné aujourd’hui de cultiver sa singularité et de rester soi, de ne pas copier les autres et pourtant beaucoup vont s’obliger à perdre leur accent pour s’intégrer.

Comment déceler la glottophobie ?

Il s’agit trop souvent d’une forme de discrimination rencontrée lors de l’entretien d’embauche pour certains métiers, notamment les acteurs de l’audio, comédiens, journalistes, … mais aussi tous les métiers qui ont un contact face à un large public à qui il est demandé de parler un français « standard ». La glottophobie concerne principalement des postes à responsabilité.
Ce phénomène peut aussi émerger depuis la tendre enfance et se traduit par des humiliations et des moqueries à l’école sur la prononciation des « au », « in » et « an ».

En général, la glottophobie se manifeste par une forme de mépris à l’égard des accents régionaux : « Il y a une connotation et des représentations négatives associées aux accents. D’un côté, l’accent du sud rappelle le soleil et le pastis, l’accent Suisse fait penser à la montagne et au ski, mais de l’autre, on va penser que ces personnes sont des « paysans », non éduqués, peu fiables, etc… On va inconsciemment les mépriser.

Quel Belge n’a jamais entendu un Français tenter d’imiter l’accent du plat pays en utilisant l’expression « une fois » ? Les belges vous diront que cette tournure de phrase, bien que facilement reconnaissable, n’est guère récurrente dans les conversations en Belgique. Il n’empêche, les habitants de l’Hexagone en usent et en abusent.

Le véritable et authentique accent québécois que certains qualifient de « paysan » est souvent source de railleries et même de discrimination dans certains milieux.

Et pourtant, cet accent québécois d’aujourd’hui est l’ancien accent du nord-ouest de la France d’où proviennent majoritairement les premiers colons Acadiens.

Pourquoi ces discriminations ? A cause des clichés évidemment !

Quelles sont les caractéristiques de la glottophobie ?

Ces discriminations linguistiques se caractérisent par : le mépris, la haine, l’agression, le rejet, l’exclusion de personnes, la discrimination négative et le sentiment d’infériorité.

A  la question : y a-t-il des discriminations vis-à-vis des gens qui portent un accent dans le pays ?
« La réponse: OUI ! », nous sommes dans un pays qui a une forte discrimination par l’accent. Quand on a un accent du sud, de l’est, ou des îles un peu prononcé, les entrées dans certaines sphères peuvent se fermer, il y a discrimination à l’embauche. Par exemple : il  n’y a pas de gens du sud dans les médias audiovisuels. Pourtant, nous sommes des dizaines de millions à avoir l’accent du sud, de l’est et du nord ! »

Comment combattre la glottophobie ?

Il s’agit de discrimination à laquelle la société est peu sensibilisée et qui entraîne pourtant, pour les personnes concernées, de sérieuses conséquences.

Pour lutter contre un phénomène et ses effets pervers, il faut le connaitre, c’est-à-dire en comprendre les mécanismes, les enjeux et les modalités.

Beaucoup vont se forcer à perdre leur accent pour s’intégrer et voire même à prendre l’accent local pour être assimilé dans leur nouvelle région.

Accueillir la diversité des langues et des accents à l’école, au travail et dans tous les lieux où se mélangent des personnes d’origines diverses est une démarche l’accueil : la richesse linguistique est un formidable levier pour déconstruire les stéréotypes, combattre les discriminations et mieux vivre ensemble.

En conclusion

Imaginons un monde où le respect de l’individu quelque soit sa façon de s’exprimer serait préférée à la rigueur académique de la prononciation de la langue.
Un monde sans glottophobie, plus équitable, plus hospitalier.

 « Je voudrais qu’on entende mon discours, non pas pour sa consonance mais pour ce contenu »

Pour poursuivre ces réflexions sur la langue française, je vous suggère de lire l’ouvrage de Maria Candéa et Laélia Veron « Le Français est à nous ! Petit manuel d’émancipation linguistique ».

Voir aussi l’ouvrage de Philippe Blanchet « Discriminations : combattre la glottophobie ».

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